Mes deux grands aujourd’hui en mode majeur (ou presque) se sont éloignés, menant leurs études (dites supérieures), me permettant d’être moins présent : c’est ainsi et c’est fort bien. Un peu de liberté et de légèreté, après tant d’années engagé à mille égards dans le rôle de père : c’est un soulagement, faut le dire bien fort, sans avoir honte finalement.

Mais je ne pensais pas qu’il me faudrait un jour remettre ça. À nouveau écouter, à nouveau expliquer, à nouveau tenter de comprendre, imposer, porter haut, faire preuve de patience, d’amour, bref : élever, faire grandir – noble mais exigeant ministère. Et pourtant. Il y a un an, famille recomposée oblige, Bellaime, 9 ans, a débarqué dans ma vie. Seulement, comme je n’aime pas être obligé, toute l’année j’ai freiné des quatre fers. Ne me suis pas trop imposé, pas trop interposé entre elle et sa maman, suis resté silencieux, paresseux sûrement, prudent je crois. Mais voilà. Voilà que Bellaime entre en sixième. Et je crois qu’il est temps. Temps d’aller tous les deux manger des glaces, temps de l’aider à écrire sans trop de fautes, temps de lui expliquer qu’il y a des injustices et que parfois s’y résoudre est déchirant, temps de lui dire qu’elle doit ranger ses affaires, se laver les mains, les pieds, un peu plus souvent, temps qu’il y ait des tours de rôle, des tours de vis, des tours de chant, de chahut et de joie, oui, qu’il est temps à présent de nourrir et faire vivre en plein, en creux et en bosse cette nouvelle relation. Oui, la rentrée nous oblige parfois à changer de cap, à prendre à bras le corps la vie, même dans ses plus étonnants et saillants recommencements.

 

Laurent Prum publie une chronique dans chaque numéro de L’Enfant et la vie, depuis le n°179. Pour n’en rater aucune, une seule solution : l’abonnement !