« Maman, je pars. » L’annonce tombe, sérieuse. Sac sur le dos, valise à roulettes en main, elle vient me dire au revoir dans mon bureau. « Maman, je pars. » Elle a 6 ans, se tient campée sur ses petites jambes, et ne se rend pas compte que cette formule, prononcée avec aplomb et excitation, me réjouit et me chagrine à la fois. Elle part. C’est elle qui a décidé de ses vacances. Avec l’application de ceux qui découvrent l’écriture, elle a écrit une carte à ses grands-parents pour leur dire qu’elle voulait leur rendre visite. Et ce matin, elle prend le train toute seule, sans ses sœurs, ni ses cousins-cousines, grâce au service « voyageur accompagné ». Bref, elle trace sa route, comme dit sa mamie, et je ne peux plus dire que j’ai des enfants « en bas âge ».
Ne dit-on pas qu’on élève les enfants pour qu’ils nous quittent ? J’aime ces instants où les enfants lâchent la main de leurs parents pour prendre leur vie en main. Un jour, on découvre son petit bonhomme perché sur un tabouret, s’étirant de tout son long pour atteindre la boîte de biscuits en haut du placard. Une autre fois, un gâteau tout chaud nous attend sur la table de la cuisine, sans qu’on ait rien demandé – et sans qu’on ne nous ait rien demandé. Puis émerge le désir de rentrer tout seul de l’école ou d’aller au cinéma entre copains. Et enfin de partir en vacances « sans adultes ».
Mais l’autonomie ne se manifeste pas seulement par la prise d’initiatives. Parfois, ce sont des traits de caractère inattendus qui se laissent entrevoir, ou des envies et des attirances imprévues. Contrairement à ce que laisse entendre l’expression rebattue, nous ne connaissons pas nos enfants « comme si nous les avions faits. » De telles surprises, nous en vivons tous. Je me souviens de mon étonnement lorsque la plus réservée de mes filles avait commenté le programme des associations d’un laconique : « Cours de théâtre… ça doit être bien, ça ! Ça me plairait ! ». La perche tendue était si grosse qu’il nous fallait la saisir : séance tenante, l’inscription au club de théâtre fut faite. Mais il arrive que nous soyons aveugles, laissant passer ces désirs d’envol, ces aspirations à développer sans les voir. D’autres fois, c’est l’inquiétude qui nous freine et nous fait retenir nos petits. « Maman, je pars ! »… Oh non, pas si tôt, pas si vite ! Pourtant si, et même si c’est pour emprunter des chemins qui ne sont pas les nôtres. Face à l’élan, ne laissons pas l’inquiétude l’emporter.
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