« Tu vas voir, tu vas adorer ! Tu ne pourras plus te passer de l’appli ! » Lorsque ma fille aînée a fait son entrée au collège, on m’avait prédit que Pronote allait changer ma vie. De fait, j’ai rapidement découvert que ce logiciel de « gestion de vie scolaire » occupait toutes les conversations entre parents et nourrissait également l’essentiel des réunions de rentrée menées par la direction ou les enseignants du collège. Car grâce à lui – ou à ses homologues édités par d’autres entreprises – les parents ont accès à tout ou presque : notes, moyenne de la classe, appréciations, absences, punitions, contenu des cours, cahier de liaison.
Grâce à lui, on peut donc accueillir son enfant au retour du collège en s’exclamant : « J’ai vu que tu avais eu 7 en anglais, ah ben bravo ! » Grâce à lui, on peut planifier le week-end de son ado en lui rappelant son contrôle de maths et ses devoirs à faire pour la semaine, en exhumant sa leçon d’histoire oubliée dans son casier, etc. Pratique. Certes.
Je m’interroge cependant sur la nature du lien qui se construit entre parents et enfants avec un outil pareil. Se présenter devant la prof de français sans sa rédaction, oublier de réviser un contrôle, assumer une mauvaise note, se réjouir d’en annoncer une bonne, voire passer sous silence une absence ou un retard sont autant d’expériences scolaires… et de vie. Les épargner à son enfant, est-ce éducatif ?
Avec des parents rivés sur leur appli Pronote, difficile d’acquérir la responsabilité de ses propres actes. C’est pourtant un apprentissage fondamental. « Ah oui mais le mien, il est distrait ! », « Ah mais la mienne n’est pas autonome ! » Comment devenir plus attentif, comment prendre davantage d’initiatives lorsqu’on sait que le périscope de Papa ou Maman est toujours branché ? L’utilisation parentale de Pronote devrait au moins faire l’objet d’une réflexion et d’une discussion entre parents et enfants. Une mère, par ailleurs enseignante, me confiait : « Heureusement qu’il n’y avait pas ça, de notre temps ! »