L’an dernier, j’ai eu l’occasion d’emmener mes filles en vacances à deux pas ou presque de l’endroit où j’ai passé moi-même, à leurs âges, tous mes étés. Dans le massif du Mont-Blanc. Cela faisait des années que je n’y étais pas retournée. En remontant la vallée, au détour d’un lacet, soudain le panorama est apparu. Je l’ai reconnu tout de suite : il m’était toujours aussi familier. Je pouvais encore nommer la plupart des sommets et en tracer mentalement la silhouette. Les observations minitieuses — carte IGN étalée sur les fleurs en haut d’un col, jumelles en main — tout autant que les contemplations rêveuses et les croquis maladroits sur le journal de vacances avaient ancrés mes souvenirs d’enfance avec netteté.  

Trente ans plus tard, le massif était toujours là, superbe, sous le ciel de juillet. J’en aurais pleuré !  

J’en ai pleuré. Car tout avait changé, en trente ans. Le blanc de la neige avait cédé devant le noir de la roche. Les langues des glaciers étaient remontées dans les pentes, rabougries. Les calottes des sommets elles-mêmes avaient été remodelées. Sans doute est-ce à peine perceptible aux yeux d’un visiteur régulier. Mais à trois décennies d’écart, indéniablement, la carte postale n’était plus la même. Le réchauffement climatique n’avait rien de théorique, il façonnait nos montagnes, à deux cents kilomètres de notre maison. On les disait éternelles, mais jamais mes filles ne contempleraient les neiges que j’avais connues. À chaque fois que je levais les yeux vers les sommets, ça me sautait aux yeux. Mes vacances ont été teintées de nostalgie et d’appréhension devant cet avenir menaçant.  

Ce printemps confiné a complété la démonstration : moins l’homme s’agite, mieux la nature se porte. Il a aussi donné la preuve que rien n’est impossible, y compris stopper des milliards d’êtres humains dans leurs activités. Une vie plus simple, un rythme plus humain, des besoins moins artificiels… les repères à donner à nos enfants sont identifiés. Alors, on s’engage pour construire le monde d’après ?  


Cet article fait partie du numéro 197 (→ Acheter)
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