Cela se passe en fin d’année scolaire, dans un collège lambda. Le collège public de secteur, qui accueille quelque 800 élèves. Celui où il suffit de s’inscrire pour être admis. Avec ses « bons » et ses « mauvais » élèves. Avec son lot de rebelles et de perturbateurs. Avec sa part de violence et de drames adolescents. Le collège de ma fille aînée.

Deux soirs de suite, 80 collégiens occupent la scène de la salle polyvalente pour le spectacle musical annuel. Les « grands » de 3e côtoient les « petits » de 6e, les professeurs de musique sont épaulés par leurs collègues d’autres disciplines. D’anciens élèves passés au lycée viennent grossir les rangs du petit orchestre amateur. Les parents, sollicités, prêtent main forte pour les costumes, le maquillage, la billetterie, les chorégraphies. On surprend quelques tutoiements, on use du prénom pour interpeller une enseignante. Le spectacle remporte – comme il se doit – un franc succès. A la toute fin, les professeurs de musique prennent la parole, émus, pour remercier les élèves de tout ce qu’ils leur ont apporté. A en croire les hurlements excités de tous les collégiens, le plaisir a été réciproque.

Ce petit concert, qui s’est préparé en marge des emplois du temps tout au long de l’année, n’est certes ni une innovation pédagogique, ni une initiative très originale. Mais il prouve au moins deux choses. Que les matières dites secondaires – comme la musique, l’EPS, les arts plastiques – sont souvent déterminantes pour que les élèves se sentent bien dans leur établissement et que naisse une ambiance propice aux autres apprentissages. Et qu’il est possible, au sein de notre vieille Education nationale, de construire de belles choses, qui rendent enseignants et élèves heureux et fiers.

Que les choses soient claires : je ne m’aveugle pas sur les limites du célèbre « mammouth » français, sur sa lourde réticence au changement, ni sur la ghettoïsation de certains de ses établissements. Mais à l’heure où il est de bon ton de ne concevoir de salut éducatif que dans l’alternative, très largement privée, voire familiale, il me semble indispensable de rappeler que l’irremplaçable mérite de l’Education nationale est d’accueillir tout le monde. A bien y réfléchir, au cours de ma propre scolarité, la confrontation – parfois douloureuse – avec l’altérité a été aussi formatrice que les apprentissages scolaires : côtoyer des camarades que je n’avais pas choisis et qui ne me ressemblaient pas m’a considérablement enrichie et ouverte sur le monde. Dans un pays lourdement ébranlé par les attentats, c’est bien cette question qu’il faut se poser : est-ce en se séparant ou en se rassemblant les uns des autres que l’on fait société ? Est-ce séparés ou rassemblés que l’on va apprendre à se connaître pour vivre et se construire un avenir commun ?

Parce qu’il nous semble essentiel d’assumer collectivement l’éducation de nos enfants et parce que nous voulons croire que l’école peut évoluer et s’améliorer, nous avons ouvert nos pages à des personnes qui y prennent des initiatives, en relaient ou en soutiennent.