Ma mère avait 21 ans à ma naissance. Elle était très centrée sur elle-même et très jeune dans sa tête. Elle changeait d’humeur tout le temps et avait des excès de colères importants. Elle me criait dessus, me frappait. Je me souviens encore de l’angoisse lorsque je l’entendais déverrouiller la porte en rentrant à la maison le soir. Allait-elle être joyeuse ou bien violente ? Mon père lui, était très « maternant », mais il travaillait beaucoup, il était peu présent.

J’ai pris conscience de cette maltraitance grâce à mon mari car la violence n’existait pas dans sa famille. Au contraire, chez lui, c’est par le dialogue qu’on traversait les conflits, pas par des coups. C’était nouveau pour moi. Quand il a entendu ma mère et ma grand-mère rire en se rappelant les moments où l’on me frappait, il m’a fait comprendre que ce n’était ni normal, ni acceptable. Alors, quand je suis devenue mère, j’ai voulu m’inspirer de la famille de mon mari. Ça n’est pas si simple quand on est élevée sans repères, ni culture. Chez nous, il n’y avait pas de livres, on ne se posait pas de questions. Les réflexes du passé m’ont alors rattrapée. En réaction au comportement de mes enfants, surtout des aînés, j’ai donné des fessées, j’ai hurlé à plusieurs reprises, et ça m’a terrorisée. Lorsqu’un jour je me suis frappée la tête contre le placard pour ne pas toucher mes enfants, j’ai décidé d’aller voir une psychologue. Ma fille, deuxième née, ne dormait toujours pas à 2 ans. La fatigue jouait beaucoup sur mon état psychique mais aussi la pression extérieure d’être une mère parfaite, tirée à quatre épingles avec des enfants coiffés à la perfection et habillés avec des vêtements dernier cri. Je suis bordélique et mes enfants mettent des chaussettes dépareillées !

J’imaginais qu’il existait une vraie solidarité entre parents mais j’ai été très déçue. Au parc, une mère m’a fait une scène parce que je donnais une compote aux fruits exotiques à mon enfant alors qu’il n’avait pas encore 18 mois, l’âge indiqué sur l’emballage ! J’ai suivi des blogs parentaux, rejoint des groupes Facebook, lu tous les livres existants sur la parentalité bienveillante et sur la non-violence. C’était à la fois éclairant et hyper culpabilisant. Je ne faisais jamais comme il fallait et les exigences des autres parents, encore une fois, m’ont donné le sentiment d’être nulle. Alors j’ai tout balancé pour mieux m’écouter ! Face à un conflit, je cherche des pistes, je tente, je vois ce qui marche et me convient. Je ne me pose plus mille questions et j’arrête de me culpabiliser !

Mon premier objectif était d’arrêter de frapper mes enfants. C’est acquis. Maintenant, je voudrais moins crier. J’y arrive petit à petit. L’un des buts dans ma vie, c’est d’être meilleure qu’hier, humainement. Ce qui est beau, c’est la capacité qu’ont les enfants à nous pardonner. Quand je m’excuse après m’être emportée, ils continuent à m’aimer. Ils me disent : « C’est pas grave, maman. » Les enfants nous apprennent beaucoup sur le pardon. Cela constitue pour moi un appui qui m’aide énormément.

Neuza, 40 ans.

Témoignage recueilli par Elisabeth Martineau et Maureen Prisker

 


Cet article fait partie du numéro 198 (→ Acheter)
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